#85 - Alexandre Bellity / Cleany : comment devenir la boîte la plus engagée du secteur de la propreté ?

Peut-on entreprendre avec succès et de manière engagée dans un secteur aussi “unsexy” que celui du nettoyage ? Avec mon invité, Alexandre Bellity, le cofondateur de Cleany, la réponse est oui. Je vous arrête tout de suite, l’histoire d’Alexandre et de son entreprise est loin d’être un conte de fées. Dans cet épisode, il se livre comme peu d’entrepreneur le font : avec beaucoup d’humilité et en toute transparence. Je vous invite à découvrir le parcours d’Alexandre, l’ascension fulgurante son entreprise et comment il a su tenir bon dans la tempête. Accrochez-vous !

Passer d’une entreprise de nettoyage “classique” au Top 200 des meilleures start-up françaises*

Alexandre a grandi dans une famille d’entrepreneurs. Rien de surprenant à ce qu’il décide assez tôt de créer sa boîte. Mais comment tombe-t-on dans la marmite de secteur de la propreté après une école de commerce et un master en finance ? Tout commence par un job dans l’entreprise de nettoyage de son oncle. Agent d’entretien pour des syndics le matin, apprenti gestionnaire l’après-midi. Pendant 6 mois, il découvre les problématiques opérationnelles, commerciales, humaines et financières d’une entreprise. En 2012, Alexandre crée seul sa première entreprise de nettoyage, avec les syndics comme clientèle cible. C’est la naissance d’ImmoNet. Il affine son projet grâce à cette première expérience et quelques erreurs qu’il partage avec nous sans complexe. Il sait désormais ce qu’il veut et, surtout, ce dont il ne veut plus. Travailler pour des syndics est particulièrement contraignant et le business modèle est difficilement “scalable”. Quand ses potes entrepreneurs de chez Cheerz et Wefix font appel à lui pour nettoyer leurs bureaux, il y voit l’occasion de faire enfin bouger les lignes d’un marché plutôt “old school”. C’est décidé, non seulement il fera de son entreprise un business rentable en surfant sur la vague de la start-up nation, mais surtout, il offrira enfin aux agents d’entretien les conditions de travail qu’ils méritent.

On est sur un marché énorme, qui est un des marchés avec le plus gros enjeu social. Le marché de la propreté emploie des agents d’entretien qui sont présents sur le terrain, qui sont catégorisés socialement [...] comme la 2e catégorie la plus précaire en France et, j’imagine, dans le monde, en termes de salaire. Donc un enjeu social colossal : 2 millions de personnes, si on extrapole au B2C. C’est 8 % des fiches de paie en France donc tu imagines l’enjeu. [...] C’est totalement passé sous silence donc on essaie de s’efforcer de redonner de la visibilité et puis de mettre en place tous les éléments qui permettent de faire de ce métier un métier valorisé et valorisable.

Mettre la technologie au service de l’humain et du social

L’objectif d’Alexandre ? Digitaliser le marché poussiéreux de la propreté et redonner de la visibilité à la profession d’agent d’entretien. En d’autres termes, “faire de ce métier un métier valorisé et valorisable”. En proposant une offre de nettoyage de leur bureau aux start-up, Alexandre a trouvé sa cible. Il est temps de switcher, de sortir des syndics pour se tourner vers les start-up et de rendre la marque plus sexy. Début 2015, Alexandre s’associe à olivier Saint-Germain et ImmoNet devient Cleany. C’est aussi l’époque où l’on voit arriver Uber, Deliveroo et consorts, avec un business model disruptif. Cleany s’interroge : faut-il aussi partir sur un modèle auto-entrepreneur ? Pour Alexandre, la réponse est non. Le modèle paraît particulièrement risqué en B2B, mais, surtout, ce serait désastreux socialement. Si cette option ne colle pas du tout avec leurs valeurs, en revanche, ça semble être le bon moment pour opter pour une stratégie marketing orientée start-up et pour développer un outil de pilotage de prestations de propreté. Avec Cleany, Alexandre a de grandes ambitions de croissance. Il se lance dans une course effrénée aux collectes de fonds. Il lève des millions, mais se brûle les ailes au passage. En 2020, le Covid arrive : “on a eu très peur pendant le Covid, moi, j’ai vu la fin de la boîte, clairement”. Il partage avec nous toutes les leçons qu’il retire de ces événements et comment Cleany en est sorti grandi.

Et là, on se dit qu’il faut qu’on rende encore plus sexy la marque. Il faut se repositionner dans le contexte de l’époque, c’est l’époque où Uber venait d’arriver en France, donc on découvre le fait d’avoir une app sur laquelle tu vois la petite voiture arriver en bas de chez toi. Aujourd’hui ça parait naturel, moi à l’époque, je me souviens que c’était un “waouh effect” de dingue. Tu as Deliveroo qui arrive aussi, donc tu as de nouveaux modèles. Moi je me souviens qu’à l’époque on se pose la question de partir sur un modèle auto-entrepreneur, on le modélise, sur BP, c’est magnifique, mais socialement, c’est pourri ! Donc on fait le choix à l’époque, sciemment, de se dire non, non nous c’est pas ce qu’on veut faire.

Faire bouger un secteur qui porte l’un des plus gros enjeux sociaux en France

Alexandre ne passe pas par 4 chemins : “on est sur un marché énorme, qui est un des marchés avec le plus gros enjeu social”. Les agents d’entretien sont considérés comme la deuxième catégorie de travailleurs les plus précaires en France. Cleany se donne pour objectif de devenir la boîte la plus engagée du secteur de la propreté et de devenir un modèle pour les autres. Aujourd’hui, l’entreprise embauche plus de 400 agents d’entretien dont 97 % sont en CDI. Des cleaners qui travaillent à des horaires décents, c’est-à-dire en journée, quand la plupart des entreprises de nettoyage proposent à leurs agents de travailler tard le soir, la nuit ou tôt le matin. Il y a encore du chemin à parcourir, notamment côté client, pour qu’on arrête d’invisibiliser cette profession. Les agents d’entretien sont encore trop nombreux à devoir se lever à 4 h du matin pour commencer le ménage à 6 h et quitter les bureaux avant 9 h. Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi on leur impose de tels horaires ? Et si les salariés des bureaux et les agents d’entretien se croisaient au bureau, quel serait le problème finalement ? Voilà les questions qu’Alexandre pose sans détours. Et il est bien décidé à mettre un coup de pied dans la fourmilière en montrant l’exemple au sein même de son entreprise. Aujourd’hui, Cleany ambitionne de devenir leader de l’entrepreneuriat à impact. L’entreprise est en cours d’obtention du label international B-Corp, octroyé aux entreprises qui répondent à des critères très exigeants en matière de transparence, de responsabilités sociétales et environnementales.

Il y a beaucoup d’éducation à faire côté client ? Exactement. Il y a une grosse part d’évangélisation. La phrase moi que j’abhorre absolument et qui me tends beaucoup, c’est “à 8 h 30 ou 9 h, tout le monde doit être parti, parce qu’il ne faudrait pas qu’ils se croisent” [les agents d’entretien et les salariés de l’entreprise]. Avec le petit regard complice que t’a envie de… Mais qu’est-ce qu’il va se passer si les gens se croisent ?

Vous l’aurez compris, j’ai posé de nombreuses questions à Alexandre et on a abordé de multiples sujets :

  • Comment devient-on entrepreneur dans le secteur de la propreté à 25 ans ?
  • Comment passe-t-on d’une entreprise de nettoyage plutôt classique à une start-up tech en hyper croissance qui lève des millions ?
  • Comment Cleany s’est retrouvé le couteau sous la gorge après une levée de fonds de 3 millions d’euros ?
  • Quelles sont les ambitions RSE d’Alexandre avec son entreprise ?
  • Quel a été l’impact du Covid sur les espaces de travail et le marché de l’entreprise de nettoyage de bureau ?
  • Comment on passe d’une boîte qui a levé des fonds pour faire de la tech à une boîte qui veut vraiment faire une différence sur le plan social ?
  • Qu’est-ce que ça veut dire d’être une entreprise engagée dans le secteur de la propreté ?
  • Les projets d’extension verticale et géographique de Cleany.
  • L’importance de se faire accompagner.

 

J’ai adoré l’authenticité et l’énergie d’Alexandre. Je vous souhaite d’avoir autant de plaisir à écouter cet épisode que j’en ai eu à l’enregistrer !

 

*Cleany est classée dans le Top 200 du meilleur des start-up françaises d’E&Y en septembre 2018.

Alexandre recommande quelques podcasts et ces 2 lectures :